Une pratique à connaître
La sécurité alimentaire a longtemps fait partie de mes volets d’activités favoris en tant qu’intervenante communautaire; travailler à rendre accessible de la nourriture diversifiée et abordable et ce, dans une perceptive de saine alimentation pour tous a, du plus loin que je me souvienne, suscité en moi un grand intérêt. Je parle bien évidemment ici de la proximité aux supermarchés et autres points de vente connus et approuvés. D’où la réticence première de plusieurs à tenter ce genre d’expérience qu’est le déchétarisme ; « glanage alimentaire ou trésordure1 est le fait de fouiller dans les poubelles des magasins de grande distribution et des restaurants pour en extraire des aliments encore consommables par le déchétarien ou glaneur. »
Nous avons été conditionnés à acheter des fruits et légumes parfaits. Les dates de péremption étant devenues une source d’angoisse et de méfiance pour bon nombre de personnes en appellent assurément au gaspillage. Comme si du jour au lendemain, l’aliment mutait en une sorte d’agent pathogène mortel. Vous savez sans doute aussi bien que moi qu’il n’en est rien et pourtant, entre la théorie et la pratique existe tout un monde de doutes et même de scepticisme.
La première fois que j’ai été initié à cette pratique, je me suis sentie à la fois très riche et choyée de pouvoir bénéficier de nourriture consommable et de surcroît, disponible dans plusieurs "containers" de mon quartier et des environs. ‘’Sur le plan économique, c’est une sacrée chance’’, que je me dis encore aujourd’hui !
La gratuité a quand même un prix
En même temps… soyons honnêtes, les cueillettes sont irrégulières et requièrent de la méthodologie ou à tout le moins, une certaine logistique. Intéressés de vous essayer ? Dans un premier temps, travailler en duo est le meilleur conseil que je puisse vous donner. Assurez-vous d’être accompagné d’une personne qui s’y connaît en matière de trajets et de procédures, car oui… même fouiller dans les poubelles est un art. Il faut parfois plusieurs heures et bien des tentatives infructueuses pour en arriver à des résultats satisfaisants : posséder ou louer une voiture ainsi que de connaître les habitudes de vos commerçants préférés seront des atouts. Rappelez-vous que tout est une question de confiance et de respect et qu’un lieu maintenu propre suite à un ‘’dumpste’’ est gage de bonne entente et d’ouverture.
Une fois votre ronde terminée, il est important de séparer équitablement les fruits de votre dur labeur. Car s’il est loin d’être toujours nécessaire de s’enfoncer à pieds joints dans les bides à ordures, les fois où vous aurez à le faire demanderont équilibre, force physique, patience, prudence et peut-être même, une bonne dose d’audace. Évidemment, je déconseille aux gens dédaigneux de s’y aventurer, à moins que vous ayez envie de repousser vos barrières psychologiques et ainsi vous affranchir de « l’écœurement » qui vous habite probablement.
À la maison, le travail continue et cela s’accompagne inévitablement d’une fatigue ressentie. Il faut maintenant laver avec soin et parer les aliments qu’il est possible de récupérer en tout ou en partie, composter ou mettre aux ordures selon le cas, transformer, donc cuisiner une quantité parfois impressionnante de brocoli, navet ou autre, portionner et remanier l’intérieur du frigo afin que tout y rentre sans trop de casse-têtes (Je vous avouerai que ce n’est pas le bout que je maîtrise le mieux. Haha!), nettoyer vos surfaces ainsi que les espaces vous servant d’entreposage, partager par acquis de bonté, ce qui signifie trouver les amis qui vous débarrasseront -façon de parler- le plancher dans les délais raisonnables ou chez qui vous livrerez par excès de gentillesse.
Cela dit, toutes ces étapes en valent largement la peine.
L’abondance à portée de main
J’ai recommencé à m’adonner à cette activité en octobre dernier, accompagné d’un nouvel ami rencontré sur un groupe de partage alimentaire et j’en suis ravie. Notre fréquence de ramassage est d’environ 1x par 2 semaines et nous permet de trouver : choux de Bruxelles, différentes sortes de fines herbes, citrons/limes, choux-fleurs, poivrons, pommes, poires, laitues, haricots, pommes de terre, tomates, avocats, courgettes, quelques carottes, des bananes à l’infini, des fraises, etc. Sans parler de toutes ces trouvailles qui font de ces cueillettes des moments magiques : sachets de viandes froides scellés (ex. : capicollo, bacon, pâtés de foie ou de campagne), produits Fontaine Santé (humus, salades de pâtes, couscous et légumineuses), fromages (végan, chèvre, bocconcini, feta, burrata ou mozzarella), crème sûre, plusieurs yogourts, des litres de lait blanc/chocolat et limonades en abondance, céréales, œufs, farine… La liste est longue.
Mon partenaire chercheur de trésors a aussi eu l’amabilité de m’offrir des articles spéciaux tels qu’une bouteille d’huile d’olive, une gelée de piments forts, des chocolats. Joie!
À chacun ses raisons de ‘’déchétariser’’
Je me suis souvenu de l’intense sentiment de bien-être que cela procure ; une sorte d’euphorie qui nous pousse à continuer sans relâche notre quête de trouvailles. Aussi, mon engouement est proportionnel à toute la reconnaissance reçue qui s’en suit lorsque je prends le temps de gâter mon entourage, une grande satisfaction dans le partage. Gratitude!
François, mon nouvel ami vous parlerait sans doute d’une façon de démocratiser l’alimentation et je suis bien d’accord : une préoccupation à la fois sociale, environnementale et économique.
Sachez que peu importe les raisons qui nous motivent à pratiquer le déchétarisme, s’il est fait avec cœur et pratiqué dans un souci d’équité, de solidarité et de conscientisation celui-ci est un gage d'une société meilleure...
Essayez-le, vous en prendrez goût ! ;)
Signé : Anick Simard, dumpsteuse
Source de la photo: https://www.robgreenfield.org/dumpsterdiving/